(2024.11). À l’approche du Salon du livre de Montréal, et bientôt du temps des Fêtes (et de la recherche d’idées pour gâter les gourmands), je continue ma tradition de rassembler des suggestions de livres québécois, tous parus en cours d’année (2024), qui ont en commun de s’intéresser à l’alimentation et à la nature avec un focus sur le fait maison et/ou sur la proximité. Livre de recettes, portraits, essai, journal, roman, il y en a pour tous les goûts!
Les voici, en ordre alphabétique des noms des auteurs.
Fruits – Célébrer ce qui pousse ici
Audrey Desrochers et Annie-Claude St-Jean (Les Éditions de l’Homme)
Des recettes pour célébrer les fruits d’ici avec, en prime, des portraits de « passionnés de fruits qui aspirent à un monde meilleur » (p. 13), ça me parle! Un livre qu’on lit autant qu’on cuisine. J’ai beaucoup aimé les pages introductives, où les conseils pratiques côtoient des passages qui relèvent de la poésie alimentaire, et de l’appel à l’action. J’ai avancé mon Défi 52 recettes en cuisinant deux recettes aux cerises de terre lorsque c’était l’abondance dans mon jardin, la tartinade de cerises de terre au mélilot (p.182) et la salade de tomates et de cerises de terre (p.61). Un livre à lire et à remplir de post-it pendant l’hiver en vue de la prochaine saison des fruits d’ici!
Choisir de manger des fruits locaux, ça veut dire changer nos habitudes et faire des compromis. Ça veut dire moins de bananes dans notre smoothie ou d’avocats dans notre trempette. (…). Pour sortir d’une impasse, il faut trouver un autre chemin. Ça ne veut pas dire que la route parcourue jusqu’à maintenant n’était pas heureuse, surprenante, exaltante! Agitée parfois. Décente, au moins. Mais l’itinéraire doit changer. On ne peut plus rester inerte, les deux pieds emprisonnés dans l’asphalte, la tête déjà dans le mur. Il faut changer notre trajectoire, défricher un nouveau sentier. L’aventure sera pénible, sauvage et belle. (p.31)
La cucina di Elena
Elena Vendittelli Faita (Trécarré)
Un nouveau classique si, comme moi, vous avez un coup de cœur pour la cuisine italienne. Les recettes m’inspirent (j’en ai essayé juste une jusqu’à maintenant, le délicieux finocchio veloce de la p. 64, mais j’en ai plusieurs autres sur ma liste comme une salsa di noci (p.76) que je serai curieuse d’essayer avec la noix de noyer noir du Québec, et la soupe aux saucisses et aux lentilles de la p.246 qui me semble un parfait plat réconfortant pour l’hiver qui s’en vient. Outre les recettes, ce livre permet de découvrir l’histoire d’Elena et de sa famille à travers ses souvenirs et anecdotes de différentes périodes de sa vie, de sa jeunesse en Italie à son arrivée à Montréal jusqu’à la Quincaillerie Dante. Comme ce passage sur sa maman Teresa qui travaillait au Marché Jean-Talon :
Ma mère cuisinait toujours avec les produits qui étaient en saison, comme on le fait encore en Italie aujourd’hui. (…) De nos jours, nous avons de grands supermarchés, mais nous encourageons souvent les gens à acheter localement pour soutenir les agriculteurs. C’est drôle de penser que, à l’époque, des immigrants comme nous le faisaient déjà sans se rendre compte qu’on appellerait aujourd’hui cela une économie de proximité. (p. 60)
Vivace – carnet d’autonomie élémentaire
Dominique Lamontagne (Leméac)
Après avoir écrit un essai (La ferme impossible) et un guide pratique (L’artisan fermier), Dominique Lamontagne nous a offert cette année un journal de son quotidien d’artisan fermier « qui tente de faire pousser des rêves sur un territoire » : treize mois d’anecdotes, de péripéties, d’émerveillement, de réflexions et de descriptions de festins fermiers qui font saliver. Un livre que j’ai dévoré en entier en deux jours, qui brasse, qui inspire, qui fait réfléchir, qui rappelle que les gestes qui nourrissent sont porteurs de sens (p.15), qui donne faim et envie de mettre les mains à la terre. Coup de cœur pour la dédicace que Dominic a écrit dans mon exemplaire : voici mon cœur de fermier, à placer dans ta bibliothèque à côté de ton cœur de fermière, ça fera un beau p’tit couple (j’espère que Pascal ne sera pas trop jaloux!).
Ce qui épuise véritablement – je le vois de plus en plus clairement – c’est de ne pas comprendre à quoi sert son travail au-delà de gagner de l’argent. Quand je les ramasse à quatre pattes dans la terre, chaque patate que je déterre me réjouit profondément. Je sais que ma récolte servira à nous nourrir, ma mère, Amélie, les enfants et moi. Fou comme un chercheur d’or, j’ai peine à m’arrêter, j’oublie presque que je déterre un trésor que j’ai moi-même enterré. J’oublie aussi les doryphores et les limaces, le compost retourné à la fourche et les parcelles à désherber sous une nuée de mouches (p. 275).
Michelin
Michel-Maxime Legault (Quartz)
En septembre, j’ai vu en famille la pièce Michelin au théâtre Denise-Pelletier : ados comme adultes ont trouvé ça excellent. Puisque le pièce ne tourne pas actuellement, mais que le livre est disponible, je l’inclus à mes suggestions lecture parce que ce récit traite d’agriculture (mais pas que!) différemment que dans le livre ci-dessus. Si Dominic invite à renouer avec des gestes d’autonomie alimentaire, dans Michelin, on suit le parcourt d’un homme né à la ferme et qui cherche à en prendre ses distances. Si je suis « team mains dans la terre », et je conçois que tout le monde ne n’est pas, et j’ai trouvé intéressant d’être exposée à une autre histoire de vie. Dans la pièce habilement montée, on rit beaucoup, même si les sujets abordés sont parfois durs. Selon sa description, le roman semble offrir le même effet :
À travers l’évocation d’expériences pivots et des personnages colorés qui jalonnent sa vie, il explore les thèmes de la différence, de l’identité, de l’appartenance et de la ruralité avec un indicible amour et beaucoup, beaucoup d’humour.
Profession nutritionniste
Marie Marquis (PUQ)
Il arrive souvent que des jeunes qui s’intéressent au métier de nutritionniste me questionnent sur mon travail, mon parcours, mon quotidien. Toujours enthousiasmant de voir l’intérêt pour notre profession qui permet de parler et de penser à l’alimentation du matin au soir! En plus de partager mes expériences, je peux désormais référer le livre de Marie Marquis qui témoigne de « l’évolution, de la diversité et de la richesse de la profession de nutritionniste au Québec » (p. IX). Cette inspirante nutritionniste (qui a aussi été ma directrice de maîtrise!) trace un portrait complet de la profession, qui se veut concret avec notamment un chapitre consacré à des nutritionnistes qui racontent leur quotidien dans différents secteurs d’activités.
Les recommandations nutritionnelles tenant compte du développement durable, de la réduction du gaspillage alimentaire, des achats locaux, de la souveraineté alimentaire, des changements climatiques, de la pauvreté, etc., sont des exemples de thèmes qui évoluent rapidement et qui teintent les actions des nutritionnistes. (…) La responsabilité sociale implique que la formation nous permette de devenir des nutritionnistes compétents, certes, mais aussi des personnes exerçant une influence dans notre environnement, des citoyens et citoyennes ayant un rôle potentiel dans notre communauté et notre pays, ainsi que dans le monde. (p. 100).
Pâtes à toutes les sauces
Jean-François Plante (Les Éditions de l’Homme)
Le livre s’ouvre sur ces mots : Pâtes… Rien qu’à prononcer ce mot, mes papilles frémissent de plaisir (p.7) … Les miennes aussi! Pour les passionnés, JAMAIS assez de livres sur le sujet. Celui-ci est si frais que je viens tout juste de mettre la main dessus (hier!). Je n’ai donc encore testé aucune recette, mais j’ai eu le temps d’y déposer quelques post-it. Par exemple, pour ce temps-ci de l’année, des pâtes à la compotée crémeuse d’oignons doux au romarin et bacon (p. 74), ça me parle. Pour l’hiver, la bolognaise au bœuf effiloché (p.80) semble réconfortante à souhait, tout comme les pâtes courtes au jus de volaille, pancetta, carotte et parmesan (p.150).
Il y a quelque chose de magique dans les pâtes. Elles ont cette capacité unique de nous réconforter, de nous régaler et de transformer un simple repas en un festin digne des Dieux (p. 8).
Diversité – Ce que nous enseigne la biodiversité
Raphaël Proulx (PUQ)
En me rendant sur le site des Presses de l’Université du Québec pour commander le livre Profession nutritionniste, plusieurs autres titres ont attiré mon attention, dont celui-ci. Ce que nous enseigne la biodiversité, je voulais le savoir, moi aussi. L’essai de Raphaël Proulx est le fruit de quatorze années d’enseignement de la biologie de la conservation aux étudiants de l’UQTR. Il serait difficile de mieux décrire l’ouvrage que par les mots qu’emploie l’auteur lui-même en p. 145 : On s’y balade entre l’opinion et les connaissances scientifiques, entre les métaphores et les modèles conceptuels, entre l’amusement et la prise de conscience. Par hasard, j’ai complété ma lecture le jour où s’ouvrait la COP16, bel accord lecture & actualité.
Les enfants du primaire peuvent réciter plus de noms de dinosaures du Jurassique ou de superhéros Marvel que d’espèces d’arbres qui poussent dans la cours arrière (p.100) (…). Il existe près de 10 millions d’espèces et des milliards de sous-espèces! Comment s’intéresser à quelque chose qu’on ne peut pas nommer, dont on anticipe difficilement l’existence? L’écologie doit être l’exception. (p. 108)
Portraits du Saint-Laurent – Histoires des pêches et récits maritimes
Hélène Raymond (MultiMondes)
Cette encyclopédie poétique et engagée est un travail d’orfèvre mettant en valeur le Saint-Laurent, ses ressources et ses gens. Ici, aucune recette. Plutôt, des histoires de pêche et des portraits, tant des produits du Saint-Laurent (algues, poissons, crustacés, mollusques…) que des gens qui les cueillent, pêchent, transforment, cuisinent, valorisent, respectent, protègent. On sent la qualité et la sincérité de l’écoute derrière chaque portrait présenté. On est touché par les récits, et on apprend aussi, beaucoup, sur des produits qui sont pourtant de chez nous. Un livre de référence qu’on consulte dans l’ordre ou dans le désordre, mais qu’on consulte, c’est l’important. La préface complète de Colombe Saint-Pierre doit être savourée : laissez-vous brasser. La dédicaces aux femmes du Saint-Laurent m’a émue. J’ai eu de la difficulté à choisir l’extrait partagé dans un océan de choix, mais j’ai opté pour ce passage tourné vers l’avenir :
Nous savons aujourd’hui que nous avons été séduits par les sirènes de la mondialisation qui, bien au-delà du commerce international séculaire, considèrent les ressources naturelles comme de la matière brute à extraire et les aliments comme des produits comme les autres. Mon travail sur les terroirs m’a portant démontré qu’on peut créer, à la fois, de la richesse et du sens. Créer du sens est une voie d’avenir. (p. 204)
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En ordre alphabétique des auteurs, j’aurai pu commencer la liste avec Aubé et mon p’tit nouveau 2024, Coeur de fermière. Mais j’en ai déjà bien parlé depuis le printemps, j’ai voulu laisser l’espace aux autres suggestions. J’y pige toutefois ces quelques mots en guise de conclusion qui, je trouve, résument bien la nature de cet article annuel qui fait le pont – gourmandement, toujours – entre cuisine, lecture, nature, écriture, territoire et proximité, 🙂
J’écris parce que la vie est un cercle qui me ramène toujours des aliments aux mots, des mots aux aliments (p. 234)
PS 1 : En passant, 3 des 5 livres de ma liste 2023 viennent de gagner aux Taste Canada Awards! Bravo Christina Blais, Giovanna Covone et Anne-Marie Desbiens. Ma liste n’a pas la moindre intention de « prédiction »… mais bonne chance quand même aux auteurs de la liste 2024 😉
PS 2 : Je serai au Salon du livre de Montréal pour deux séances de signatures le dimanche 1er décembre, venez jaser!