(2019, juin). Depuis 2015, à l’approche de la Saint-Jean, j’écrivais l’article qui lançait officiellement le Défi Boire local. Rien de compliqué comme défi : choisir de consommer uniquement des boissons alcoolisées québécoises, de la Saint-Jean-Baptiste (24 juin) à la fête du Travail, au début septembre.
Dans l’article présentant le premier Défi Boire local, j’écrivais ceci : Quand on parle de bières et de cidres, je dois déjà boire local à 95 %. Côté vins, c’est plus varié. Bien entendu, c’est complètement intéressant d’ouvrir ses papilles aux saveurs de partout! Mais puisque je suis ravie des découvertes que je fais au fil de mes balades gourmandes au Québec, pourquoi ne pas pousser un brin la note avec un cadre amusant pour continuer l’exploration? C’est connu : les défis, ça me parle! Et qui sait, les découvertes sauront peut-être inspirer des amateurs à mettre un peu plus de “local” à leur carte des boissons?
Pas plus compliqué que ça le Défi Boire local! Un prétexte pour découvrir et faire découvrir, au fil des soupers d’été, ce qui se brasse, fermente, macère et mature chez nous. Simple, sans prétention, amusant, le Défi faisait parler! En décrivant le vignoble où j’avais acheté le vin servi dans un souper d’amis, les langues se déliaient et chacun y allait de sa plus récente découverte, dégustée dans un coin ou l’autre du Québec. Certains amis aimaient, d’autres moins (c’est normal, les goûts sont personnels!), mais chose certaine, les discussions et les échanges sur le sujet piquaient la curiosité, en plus de faire tomber quelques préjugés. C’était aussi ça, le Défi Boire local!
Lundi prochain, à la Saint-Jean, autour du feu de joie, je vais sûrement porter mon t-shirt « boire local » et le verre que je vais lever à la santé du Québec sera rempli d’une boisson provenant d’un artisan québécois. Mais je ne marquerai pas le début officiel d’une cinquième année du Défi Boire local.
Pourquoi j’arrête le Défi Boire local
Non, je ne suis pas enceinte! 😉 Je vais continuer de boire local pour mon plaisir. Je mets simplement fin au défi « public », parce qu’il me semble que les perceptions de la population, notamment à l’égard du vin québécois, ont vraiment changé en cinq ans!
Je le disais d’emblée en 2015 : les bières de microbrasseries avaient déjà le vent dans les voiles. Même chose pour les microdistilleries. Les préjugés que j’entendais vraiment trop souvent portaient sur le vin et un peu sur le cidre et autres boissons de fruit ou de miel. Des affirmations comme « Le cidre / l’hydromel, c’est trop sucré pour moi », « Le rouge québécois, c’est pas fameux » et « Au Québec, on n’est pas là encore » (souvent lancées par des gens qui n’avaient pas dégusté de cidre, d’hydromel ou de vin québécois depuis des années) me portaient à croire qu’il était temps qu’on goûte de nouveau aux produits qui se font ici. Les vignes vieillissent, les savoir-faire adaptés à nos sols et à notre climat se développent, les connaissances se perfectionnent, les cépages varient, les produits évoluent, et ça se goûte. (J’avais d’ailleurs jasé de tout ceci avec le vigneron Jean Joly au début 2017). Je trouvais intéressante l’idée d’en faire un sujet de discussion autour des tables et des barbecues d’été, d’où la naissance du Défi Boire local. Et parce que j’étais quand même agacée par le fait que tant de restaurants ne proposaient aucune option locale à leur carte.
Depuis 2015, le portrait de la situation a beaucoup évolué. À la fin 2016, l’entrée en vigueur de la loi 88 permet aux vins du Québec d’être vendus en épicerie. En 2018, des vignerons des Cantons-de-l’Est créent le défi Locaboire avec cet objectif de consommer des boissons exclusivement locales pendant un mois complet et le désir de sensibiliser les gens à l’importance de leurs choix sur la vitalité économique de la région. Toujours en 2018, le vin du Québec obtient sa propre indication géographique protégée (IGP), puis paraît un numéro hors-série du magazine Caribou consacré entièrement au vin québécois. Cette semaine, j’ouvrais la radio et la chroniqueuse Élyse Lambert parlait du Domaine Bergeville, à la première émission estivale de Bien entendu sur la Première chaîne de Radio-Canada. Mais surtout, j’entends pas mal moins le fameux « Au Québec, on n’est pas là encore ».
Je ne prétends pas que le Défi Boire local ait changé quoi que ce soit. Tout au plus, il ajoutait une voix enthousiaste au mouvement déjà bien en marche! En 2019, cinq ans après le premier Défi Boire local (une initiative que je menais de façon indépendante et sans financement), je ne trouve plus qu’il s’agit d’un « défi ». Même que l’enthousiasme est tel que le vrai « défi » est dorénavant de mettre la main sur certains produits avant qu’ils soient tous écoulés : les volumes de certains vignobles ne répondent pas à la soif des amateurs! Et les choses bougent, encore et toujours. Des vignes se plantent, de nouveaux vignerons s’installent, l’intérêt et la curiosité grandissent. C’est beau de voir tant de gens renouer avec la fierté de ce qui se fait chez nous!
À la Saint-Jean, je lèverai donc mon verre (local) à cette fierté grandissante et à tous les agriculteurs et artisans qui travaillent avec ardeur pour remplir de saveurs assiettes et verres. Ce ne sera pas le début officiel d’un cinquième Défi Boire local, mais je vais continuer de découvrir des boissons locales, d’en servir, d’en parler, d’alimenter la curiosité.
Bonne fête à tous les Québécois!
Photo : Daphné Caron