(2020.04). En ces temps de crise, il s’en dit des choses. On parle de santé, d’économie, de science, de politique, de sécurité publique, de solidarité, et d’alimentation aussi. D’alimentation locale et d’autonomie alimentaire, entre autres.
Voici 10 textes (ok, un peu plus 😉 Ma liste s’allonge chaque jour depuis que j’ai commencé cet article!) qui ont retenu mon attention dans les dernières semaines.
Ils font entrevoir qu’on pourrait, collectivement, tel les épis de blé qui, sous le vent, se penchent dans une direction commune, transformer cette crise en motivation pour se doter d’un système alimentaire de proximité plus fort, vert, humain et nourricier.
1.Cessons d’encourager les entreprises locales
Le titre surprend, mais il faut lire le texte. Il y a une différence entre « encourager » les producteurs locaux de temps en temps, et les supporter, s’engager avec eux. Et cette différence est fondamentale.
Extrait : « L’achat local ne devrait pas être considéré comme une marque d’encouragement, mais bien un devoir citoyen dans l’unique but de maintenir et de développer les produits et services qui nous sont chers et qui assurent l’avenir de tout un chacun. Nous sommes tous dans le même bateau et nous avons intérêt à ramer ensemble vers le même objectif… le bien commun ».
2. Acheter local à l’occasion c’est bien, s’engager auprès des agriculteurs, c’est mieux!
Entretien avec Dominique Legendre, par moi-même
Ce texte de la série des « Grincements de dents » pour Caribou a été publié cette semaine, mais j’ai mené l’entrevue quelques jours après le début de la crise. Intéressant de voir les propos Dominique Legendre et de Simon Brault (ci-dessus) aller dans le même sens.
Extrait : « Supporter l’agriculture locale ce n’est pas juste acheter local de temps à autre quand ça adonne, c’est faire preuve d’engagement et de flexibilité (…). C’est transformer son désir de «tout en tout temps» en adaptation à ce que les agriculteurs de proximité ont prévu dans leurs champs. ».
3. Un dur avertissement pour notre sécurité alimentaire
Texte de Michel Saint-Pierre et Guy Debailleul
La crise fait réfléchir les co-présidents de l’Institut Jean-Garon à la fragilité de notre système d’approvisionnement mondialisé.
Extrait : « La pire erreur serait le retour au bussiness as usual, car il y aura d’autres perturbations des sources d’approvisionnement extérieures, que ce soit une nouvelle pandémie, l’explosion des coûts de transport, les changements climatiques ou une crise socio-politique. La sécurité alimentaire de la population est trop importante pour prendre ce genre de risque »
4. Achat local, il faut faire un plan
Entretient avec Colombe St-Pierre, par Marie-Claude Lortie
Toujours dans cet esprit d’autonomie alimentaire, la chef Colombe St-Pierre, qui milite depuis longtemps pour une cuisine ancrée au territoire, veut éviter que la volonté de supporter l’achat local qui se manifeste maintenant, durant la crise, tombe dans l’oubli lorsque la vie reprendra un cours plus normal.
Extrait : « Imaginez si Québec donnait plus de moyens à nos petits producteurs de proximité pour les aider à fournir leurs épiceries et supermarchés locaux et qu’en plus, ceux-ci étaient tenus d’acheter une certaine quantité de produits provenant d’un périmètre donné. (…). On ne peut pas uniquement demander aux consommateurs de prendre en main la question de l’achat local. Collectivement, on doit se faire un plan ».
5. Et si Hydro-Québec et les petites fermes s’alliaient pour nourrir le Québec à l’année ?
Et quelques jours plus tard est publié, en guise d’exemple de « moyen » qu’il serait possible de donner aux petits producteurs de proximité, ce texte de Jean-Martin Fortier :
Extrait : « Et si ces serres [qui nécessitent un chauffage d’air minime ou un chauffage de sol, comme c’est le cas pour les garages] bénéficiaient du même taux préférentiel qu’Hydro-Québec donne aux alumineries, ça deviendrait carrément rentable. L’effet d’une telle politique publique permettrait à des milliers de producteurs d’augmenter leur offre, et donc, leur capacité à nourrir les communautés à l’année. En d’autres mots, ça changerait tout pour le système alimentaire au Québec ».
6. L’appel de la terre au temps de la COVID-19
La statistique proposée dans le texte de Jean-Martin Fortier (ci-dessus) ainsi que dans l’extrait ci-bas étonne, quand on sait qu’il y a tant d’aliments locaux disponibles en hiver et au printemps. Si on ajoute à cela quelques provisions qu’on prend soin de conserver pendant la saison des récoltes, cette statistique n’a pas lieu d’être.
Extrait : « En hiver et au printemps, environ 40 % de tout ce que les Canadiens consomment, au détail ou en restauration, provient des États-Unis ou y a transité ».
Comme le dit Michel Saint-Pierre dans cette entretien par Catherine Lefebvre : « il est grand temps de nous reconnecter à notre terroir, sa richesse et son immense potentiel, que nous avons tendance à sous-estimer ». Christian Bégin va dans le même sens dans ce cri du coeur, lançant qu’on a « TOUT ici pour NOUS nourrir. TOUT! Cette période trouble est un moment à saisir collectivement pour s’en rendre compte. Pour se rendre compte de la nécessité de compter sur NOUS ».
7. Et nous ferons un jardin
Entretien avec Mélanie Grégoire par Karine Tremblay
Parce que derrière ce désir grandissant de mettre les mains à la terre cet été, également rapporté ici, il y a de la lumière.
Extrait : « On peut vraiment faire plusieurs parallèles entre les potagers de la victoire qui ont eu cours pendant la Deuxième Guerre mondiale et l’engouement qu’on perçoit actuellement pour la culture des légumes. Il y a des racines communes. L’inconnu de ce qui s’en vient engendre une certaine peur. Ça génère un désir d’être plus autonome au chapitre alimentaire, de faire sa part, en quelque sorte. »
2e extrait dans lequel je me reconnais bien! « J’étais déjà du genre à faire beaucoup de conserves et à congeler une bonne partie de mes récoltes. Je me connais. Cette année, ce sera encore pire! » (Je connais d’ailleurs un livre qui saura vous aider à faire vos propres provisions dès que les librairies vont rouvrir!)
8. Gilles Vigneault fait les sucres
Entretien avec Gilles Vigneault par Patrick Lagacé
Normalement, on n’aime pas se faire parler de nos « responsabilités », mais quand ça vient de M. Vigneault, on tend l’oreille! Bien qu’il soit dans sa cabane à sucre en répondant aux questions du journaliste, les propos du poète ne sont pas directement reliés à l’alimentation. Il est toutefois possible de faire un lien avec notre rôle – notre responsabilité – dans un système alimentaire plus autonome et nourricier pour la proximité.
Extrait : « On apprend qui nous sommes dans cette pandémie, poursuit-il, on apprend que nous sommes tous devenus responsables de nous, et du voisin. C’est extraordinaire. Ça ne nous est jamais arrivé avant. C’est un moment de réflexion, de réalisation de ce qu’est la planète, de ce qu’on est : c’est le moment de se projeter dans l’avenir… »
9. La pandémie, déclencheur de l’esprit
Entretien avec Alain Deneault, par Chantal Guy
Pour poursuivre dans la sagesse et la lumière, voici des propos porteurs si on les applique à la volonté (ou à la nécessité!) de développer nos systèmes alimentaires de proximité.
Extrait : « On dirait en esthétique que cette pandémie se présente comme un élément déclencheur dans le récit, qui apporte une pensée, une action, une attitude et des dispositions nouvelles. (…). Cette pandémie est l’occasion de se redresser la tête et de penser son rapport au monde de manière beaucoup plus libre, souveraine, structurée et constructive ».
Du même homme, dans un autre entretien par Ahmed Kouaou : « Il faudra rapidement développer des formes d’organisation qui sont frugales, humbles, mesurées et régionales et s’en tenir à une production, à une consommation beaucoup plus réduite, mais peut-être beaucoup plus significative et sensée ».
10. Comment réussir la démondialisation?
Parce que la fin de cet extrait me semble bien résumer de quelle genre de volonté nous devons nous chauffer!
Extrait : « Démondialiser ne signifie donc pas « faire du capitalisme en plus petit ». (…) Démondialiser signifie, contre la globalisation de l’immonde, bien autre chose qu’un simple changement d’échelle: une volonté de refaire monde en prenant soin du vivant comme de la nature ».
BONUS : Regardez, y’a un chevreuil!
Entretien avec Fred Pellerin par François Houde
Le mot de la fin à un de mes préférés!
Extrait. « On est tous des particules d’un grand ensemble même dans nos choix personnels. »
Quand un vent fort souffle sur un champ de blé, les épis penchent dans une direction commune.
Quand la tempête s’abat sur la société, on comprend que nous sommes tous dans le même champ de blé. On comprend, comme le dit Fred, qu’on est tous des particules d’un grand ensemble, même dans nos choix personnels. Souhaitons, que ces choix personnels – combinés à une volonté politique – sauront de plus en plus se conjuguer au collectif, en alimentation et ailleurs.
Quand le vent cesse de souffler sur le champ de blé, les épis se redressent. Puissions nous en faire autant, se redresser, ensemble, fièrement.
Photos : Julie Houde-Audet, prises lors d’un Événement Prenez le champ l’été dernier.