
(2025.12). À Madère, il y a des paysages époustouflants pratiquement dans les nuages à plus de 1800 mètres d’altitude, des falaises qui se jettent dans l’Atlantique, des bords de mer aux plages de pierres noires, de majestueuses forêts sauvages, des crêtes sinueuses et des villages à flanc de montagne. Plusieurs randonnées sont en pleine nature, d’autres relient deux sommets.

Puis, il y a les randonnées de levadas. Si j’ai été éblouie par tous les paysages réellement variés de l’Île, randonner le long des levadas, typiquement madériennes a été un coup de cœur de mon séjour. Les levadas sont des canaux d’irrigation accompagnés d’un sentier ou d’un muret sur lequel on peut marcher. À l’origine, il s’agissait d’accès pour les personnes qui entretenaient les canaux.
Ces levadas passent tantôt par des villages, mais derrière les maisons : on a un peu un feeling de se promener dans des ruelles : on voit les cours des habitants, souvent remplies de fleurs, et la plupart du temps d’un jardinet ou d’arbre fruitiers.

Puis, les levadas sortent des cœurs villageois et se poursuivent dans des paysages ruraux. Ce ne sont plus quelques bananiers ou une poignée de plants de choux, mais des petites bananeraies, des rangs de choux, des parcelles de patates douces, des vignobles, des pâturages pour quelques animaux. À Madère, territoire tout en pentes, pas de place pour les grandes monocultures. L’agriculture se fait essentiellement en terrasses, pour arracher aux montagnes quelques morceaux de terre à cultiver.
Enfin, les levadas se poursuivent au-delà des secteurs plutôt ruraux et s’enfoncent dans les forêts, au fonds des vallées. Par-là, peu ou pas de trace de civilisation, c’est la nature qui prend toute la place.
Et tous ces écosystèmes, des ruelles à la forêt, peuvent être traversés en suivant un seule levada! Certes, certaines sont plus rurales, d’autres plus forestières, mais nombreuses sont celles qui offrent en elles-mêmes une diversité de paysages
Habituellement situées en hauteur à flanc de montagne, randonner le long d’une levada offre généralement des vues panoramiques sur les villages perchés de l’autre côté d’une vallée ou sur l’océan au loin, ou en bas. Généralement bien sécurisées dans certains passages plus vertigineux, les levadas le long desquelles j’ai marché demandent un brin de vigilance lorsque les sentiers sont étroits ou dans certains tronçons un peu effrités). De manière générale, elles comportent moins de montées et de descentes que les randonnées en montagne.
J’ai adoré, en marchant plusieurs levadas madériennes, m’ouvrir l’appétit en plein air dans ces paysages agroalimentaires. C’est fantastique de voir les légumes pousser dans les champs et les fruits mûrir dans les arbres avant de les retrouver sur les étals du Mercato dos Lavradores.
Incontournable du décor, les bananiers sont littéralement partout. Jusque dans ces escaliers alimentaires!

J’ai vu pousser des dizaines de fruits exotiques : tous les agrumes, mangues, fruits de la passion, anone, figues, papaye, chayotes et plusieurs autres que je ne savais pas identifier. J’ai aussi vu quelques pommiers, et beaucoup de vignes, celles qui donnent les raisins qui deviendront des vins de Madère.

Côté potager, en décembre, j’ai observé dans pratiquement tous les jardinets une sorte de chou feuillu sur tige. Sinon, chou pommés, quelques laitues, quelques poireaux.

Très fréquentes sont aussi les parcelles de pommes de terre et de patates douces. En décembre, j’ai d’ailleurs vu plusieurs paysans en action à récolter les patates douces! On fait le lien avec la purée de patate douce qui entre dans la composition du fameux bolo do caco.

Grimpants sur les tuteurs de canne à sucre, on peut voir des pois et les haricots, ainsi que plusieurs plants de courges. Par endroit, ça m’a fait penser aux Trois sœurs, en troquant le maïs par des tuteurs de canne à sucre.
Des parcelles de canne à sucre, justement, on en croise aussi le long de certaines levadas. Madère a une importante histoire sucrière, de laquelle vient l’aguardente (alcool de canne à sucre local qui est la base des ponchas) et le mel de canna (mélasse de canne à sucre locale) qui est en vedette dans certains desserts très typiques comme le bolo de mel et les broas de mel.

Dans les portions plus forestières de certaines levadas, on rencontre des peuplements de laurier. Ce ne sont pas de mignons petits plants, mais de véritables arbres. Ces forêts de laurier font comprendre pourquoi les empedatas étaient traditionnellement enfilées sur des brochettes faites de branches de laurier.
Les levadas traversent aussi des petits pâturages. Tantôt quelques chèvres. Plusieurs une ou deux vaches. Encore plus loin, ce sont les moutons. Dans certains espaces, on peut observer une poignée de poules.

Entre les maisons paysannes, quand il y a de petites friches, il est très fréquent de les voir envahies de capucines. Ça m’a impressionnée, moi qui en fait pousse un beau rang bien sage dans mon potager chaque été, de les voir « ensauvagées » de la sorte. Véritable couvre-sol, on les croise partout…. sauf peut-être dans les assiettes. Du moins, en deux semaines de repas à la madérienne, je n’ai pas eu conscience de plats qui les utilisaient, ce qui m’a surprise puisque l’abondance est bien réelle.

Marcher le long des levadas, c’est une alternance entre forêts et segments de sentiers ou on a l’impression de traverser le garde-manger des habitants. J’ai adoré ça.
D’autres paysages alimentaires
Curral das Freiras et ses châtaignes. Ce petit village encastré par d’imposantes montagnes qui le surplombent, a une spécialité : la châtaigne. Dans les boisés environnant, on peut observer les châtaigniers avant de savourer des spécialités de chataîgnes dans un des quelques restaurants de la rue principale du village. Parmi ceux-là, outre les châtaignes grillées, la soupe de chataignes (avec pommes de terre et haricots) est particulièrement typique. On trouve aussi des gâteaux et pâtisseries à la chataigne. Pour 1 euro, on peut visiter un minuscule musée de la chataigne, qui se visite en 10 minutes mais, tant qu’à être là, pourquoi pas!

Camara de Lobos et son petit port de pêche. En décembre, je n’ai pas vu les pêcheurs en action outre que sur les nombreuses œuvres d’art urbain. Mais j’ai aimé admirer tous les petits bateaux colorés au cœur du village qui lui donnent un charme fou.

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