(2017, mai). À la même période l’an dernier, je tombais sous le charme des Îles-de-la-Madeleine. Les paysages à couper le souffle, le vent, la mer, les gens, les producteurs agrotouristiques sur lesquels j’ai déjà écrit par ici et les nombreuses adresses gourmandes dont je parle par là. La cerise sur le sunday: une sortie matinale en mer avec les pêcheurs de homard Kaven et Jeannot Aucoin!

Kaven et Jeannot Aucoin, pêcheurs de homard

Nous étions un groupe de sept blogueurs à prendre part au #Tripauxîles* dans le cadre duquel la sortie de pêche était organisée… si le temps le permettait. Il était de notre côté ce jour-là: on annonçait une mer calme et un ciel dégagé.

Or, sept touristes sur le bateau de pêche aurait nui au travail du duo père-fils de pêcheurs, déjà si gentil de nous accueillir à bord. Le groupe a donc été divisé en deux: certains d’entre nous se sont levés au milieu de la nuit pour prendre la mer avant 5h. Comme je faisais partie du second groupe, le réveil a sonné vers 6h du matin. Après avoir engouffré une rôtie et un café, en route vers le port de Cap-aux-Meules avec Anne, Jennifer et Marie-Ève.

Bateau homardier des Îles-de-la-Madeleine

Il n’était pas 7h que le « David Kaven », le homardier des Aucoin, ramenait nos amis ravis à bon port, les yeux pleins de soleil, se targuant les uns les autres d’être le meilleur poseur d’élastiques sur les crustacés à peine pêchés. Je vous suggère le récit d’Anny Anywhere pour la sortie de pêche version « lever du jour ». Ce que j’avais hâte d’être en mer à mon tour!

Après quelques consignes de base (dont faire attention aux cordages), on s’accroche et le bateau quitte le port. Jeannot est à la barre et chante avec la radio qui fait jouer des classiques madelinots, tandis que Kaven est debout à l’arrière de l’embarcation, scrutant la mer sereinement, comme s’il pouvait déjà percevoir que la pêche serait bonne. Ou simplement parce qu’il est dans son élément. Et qu’il apprécie, autant que nous, le doux soleil matinal.

Pêche au homard Îles-de-la-Madeleine

Voyez la mer: calme, lisse et scintillante. Selon les Aucoin, une météo aussi clémente ne survient que deux ou trois fois durant la saison de pêche, qui s’étire sur environ deux mois. Décidément, je l’avais « facile » en me réveillant un généreux trois heures plus tard que les pêcheurs, avec la plus belle température qu’on ne pouvait pas espérer! Notez toutefois le bandeau et le manteau d’hiver sur la photo tout en haut: bien qu’il annonçait 17oC sur terre cet après-midi-là, je n’aurais pas voulu être habillée moins chaudement au petit matin en pleine mer.

On approche alors des première bouées qui indiquent où les casiers à homard de Kaven et Jeannot ont été posés. Le bateau ralentit, puis s’immobilise. La manœuvre de remontée de la première ligne de casiers commence. Tirés par un câble relié à un moteur (nommé le « haleur »), les sept casiers de la ligne remontent à la hauteur du bateau. C’est alors que Kaven les agrippe et finit de les hisser à bord à bout de bras, pratiquement sans effort (du moins, d’un point de vue extérieur). Je voudrai, plus tard, essayer… sans grand succès tant le bois mouillé et la dalle de béton de la base les rendent lourdes (75 à 100 lbs). Dur à croire que Kaven manipule plus de 270 casiers chaque matin, comme si c’était la chose la plus facile du monde! L’anecdote aura eu le mérite de faire rire tout l’équipage!

Pêche au homard Îles-de-la-Madeleine

D’un casier à l’autre, le nombre de homards varie, du casier vide à six ou sept bestioles ayant plus ou moins dévoré la bouette (nom donné aux poissons qui servent d’appât pour attirer le homard) cette journée-là.

L’étape suivante est de mesurer les homards puisque les plus petits doivent obligatoirement être mis à l’eau pour assurer une plus grande pérennité et durabilité de la pêche. Une petite règle de métal permet de s’assurer que les homards qui resteront à bord font plus de 83 millimètres**, de l’arrière de l’œil jusqu’à la bordure du céphalothorax. En-deça de cette mesure (qui varie selon les zones de pêche), les petits crustacés ainsi que les femelles « œuvées » (portant des œufs) sont relancés à l’eau pour poursuivre leur vie sous-marine et leur reproduction. Bien qu’il s’agisse d’un geste banal pour les pêcheurs, le lancer des homards a bien amusé les apprenties que nous sommes qui ont capté en photo de nombreux « flying lobsters« .

Remise à l'eau des homards

Une fois que les homards passent le test du 83 mm, ils sont placés sur un cabaret équipé de cavités cylindriques, dans lesquelles les bêtes finissent par s’enfoncer. Je partage ici les mots imagés de Annie Anywhere: « Les bêtes ont l’air de bambins coincés dans leurs chandails à mi-chemin entre le torse et le menton, les deux bras en l’air ».

Élastique des homards

C’est dans ces cylindres que les homards attendent sagement qu’on leur pose des élastiques pour que nos doigts demeurent en sécurité. Voilà une tâche que Kaven et Jeannot semblaient plutôt satisfaits de déléguer à leurs stagiaires d’un jour. On les soupçonne de s’être bien amusés à voir nos mains de débutantes manipuler les pinces servant à élargir les élastiques avant de les passer autour des pinces des homards. Une opération facile quand la bête se tient calme, mais qui peut nécessiter quelques tentatives face à un crustacé au tempérament plus batailleur. Puis, enfiler l’élastique sur les homards est une chose, mais il faut ensuite retirer les pinces maintenant coincées entre la carapace et le caoutchouc. Après quelques homards de pratique plus laborieux, on apprend à faire une petite rotation du poignet pour que les pinces se libèrent comme un charme. À la fin de la matinée, le rythme devait commencer à s’approcher d’un délai respectable. Ou presque.

Julie Aubé, pêche au homard

Le homard compte parmi les crustacés qui vivent le plus longtemps. On estime qu’il atteint la taille minimale de capture (83 mm) vers l’âge approximatif de 8 ans***. C’est donc dire que les homards qu’on retrouve dans nos assiettes ont au moins 8 ans, et parfois beaucoup plus! Une vie si vénérable impose un respect de la bête, tout comme la prise de conscience de l’ampleur du travail que représente sa capture. Comme toute expérience marquante d’agrotourisme ou de tourisme gourmand qui nous rapproche de l’origine des aliments, participer à la pêche aura fait en sorte que le homard a pris beaucoup de valeur à mes yeux. J’aime depuis longtemps m’en régaler, mais dorénavant, chaque festin me fera penser à cette sortie en mer et au soleil qui la faisait scintiller, aux rythmes madelinots de la radio, aux bêtes trop petites remises à l’eau, aux plus vigoureuses gardées à bord, au poids surhumain (du moins pour moi!) des cages, aux accueillants Kaven et Jeannot, et à tous les autres pêcheurs qui ont la mer dans le sang et qui affrontent les éléments pour capturer et remonter une ressource naturelle de chez nous, durable et si savoureuse.

Dans l’assiette, ce respect se traduit par un plaisir de manger décuplé et un acharnement sur chaque petite patte pour ne rien gaspiller. Par des bisques aussi, pour valoriser la bête jusqu’à la carcasse. Autour de l’assiette, l’expérience se traduit par des souvenirs magiques et des histoires de pêche à raconter, encore et encore. Je ne sais peut-être pas lever les cages, mais raconter des histoires de pêche et donner le goût pour cette merveille de nos régions maritimes, ça, je peux le faire.

Retour de pêche au homard

Quels que soient les pêcheurs qui ont capturé votre homard des Îles, il est possible de se rendre sur le site Homards des Îles de la Madeleine, d’inscrire le numéro qui figure sur l’étiquette, et d’en apprendre plus sur votre pêcheur grâce au système de traçabilité. Quelle belle façon d’associer des images, des visages et des paysages à son homard, en attendant un prochain séjour dans l’archipel pour jaser aux pêcheurs sur le quai! Un système de traçabilité similaire existe aussi pour les homards de la Gaspésie.

Homard des Îles de la Madeleine

Après avoir découvert son pêcheur, il reste à cuire les homards! Voici 5 trucs de cuisson pour faire honneur à la bête!

*Ce #tripauxiles a été rendu possible grâce au soutien de l’Agence de location Hertz des îles et du parc de Gros-Cap. Le texte respecte la politique éditoriale de JulieAube.com.
** Monographie de l’industrie québécoise de l’industrie du homard au Québec. MAPAQ, 2017.
*** Évaluation des populations de homard aux Îles-de-la-Madeleine en 2005. Pêches et Océans Canada.

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Julie Aubé