MD_FermeMacedoine-0010_vf(2016, avril). Si vous venez du nord sur la route 323, ralentissez lorsque vous apercevez le mot « Asperges » tracé dans la prairie : vous êtes tout près. Si vous arrivez plutôt du sud, c’est sans doute une asperge géante que vous verrez en premier à l’orée du boisé. À la hauteur du joueur de flûte charmeur d’asperges-serpents, tournez sur le chemin de terre qui mène à la ferme La Macédoine. Le panneau doit bien sûr indiquer « ouvert », soit durant la courte période allant de la fête des Mères à la fête des Pères. « C’est parfait, une saison courte : ça entretient le désir ! » déclare le maître des lieux, Guy-Louis Poncelet, producteur d’asperges depuis 36 ans.

La poésie comme terreau

Associer agriculture et poésie, ça sort de l’ordinaire. Et pourtant, quand on y pense, la nature a inspiré tant d’artistes de tous lieux et de tout temps. Et, vous verrez, la ferme du coloré Guy-Louis Poncelet est plutôt éloquente à cet égard. On visite la ferme La Macédoine pour ses délicieuses asperges fraîches, évidemment, mais aussi pour y vivre une aventure unique et onirique. Car celui qui se présente comme un agriculteur «éco-poétique» entretient la magie autour de l’asperge en créant des œuvres d’art inspirées de la nature et de son produit vedette. On peut notamment admirer son asperge géante peinte et sculptée à même un grand pin blanc foudroyé (travail qui a nécessité un échafaudage de neuf étages !), le charmeur d’asperges, la chenille-asperges, le vol au-dessus d’un nid d’asperge, et plusieurs autres œuvres, puisque l’agriculteur à l’imagination débordante en crée une nouvelle chaque année. En partie pour stimuler la curiosité de sa clientèle qui adore découvrir les nouveautés, mais aussi tout simplement parce que, dit-il, « l’art, c’est une valeur, et que le beau, c’est aussi de l’espoir ».

M. Poncelet, qui accueille parfois les clients grimpé sur ses échasseperges (photo ci-dessus) a toujours noué des liens puissants avec la terre. Enfant, il ramassait des escargots, des champignons, des prunes, des mûres dans les campagnes de sa Belgique natale. Plus tard, devenu technicien forestier, il a vécu sur une fermette avant d’entreprendre sa grande migration vers la Petite-Nation. Il a aussi étudié la chimie dans le cadre d’un certificat sur la qualité des produits agro-alimentaires. C’est à cette époque qu’il a lu Hubert Reeves pour la première fois. « Je ressentais la chimie ! Ça a été comme une révélation et je me suis dit que, moi aussi, j’avais le goût d’intéresser les gens par le ressenti. » C’est précisément ce qu’il fait à la ferme La Macédoine, un lieu à son image où se mêlent science et art, où se côtoient agriculture et poésie.

L’histoire d’un engouement pour l’asperge

M. Poncelet a dû travailler fort à ses débuts, en 1980, puisque les asperges étaient encore peu connues dans la région. Il se souvient que l’intérêt des gens s’est véritablement réveillé le jour où il a décidé d’écrire le mot « Asperges » en traçant des lettres géantes dans la prairie avec sa tondeuse. « J’avais même fait une faute d’orthographe ! » se rappelle l’agriculteur en riant. « Ça a pris tellement de temps, faire le A, que j’ai cru que j’étais rendu au : j’avais tondu Aperges ! Je n’en revenais pas ! »

Une faute d’orthographe bien involontaire qui s’est toutefois transformée en coup de marketing, puisque les curieux s’arrêtaient pour demander ce qu’étaient les « aperges » ! Depuis, c’est la tradition : M. Poncelet écrit chaque année — sans faute ! — son désormais renommé « Asperges » géant dans la prairie. En 1997, il a même remporté un prix de la plus belle enseigne commerciale fleurie ! « Il faut être excessif ! » conclut l’agriculteur haut en couleur en m’adressant un clin d’œil.

Depuis une dizaine d’années, pendant la haute saison, il cesse toutes ses autres activités pour se consacrer à sa ferme et aux visiteurs. « Rencontrer ses clients, c’est un plaisir. Ça donne du sens au travail », explique celui qui vend la totalité de ses délicieuses asperges directement aux gourmands qui lui rendent visite… à une exception près : il approvisionne les cuisines du Château Montebello, pas très loin de chez lui, depuis pas moins de 30 ans !

« L’été, à sept heures du matin, moi je prends ma douche à l’eau de rosée d’asperges en passant dans les rangs. Pour une douche fouettée, il suffit de courir un peu. C’est assez drôle! »

Après 36 ans de célébration de l’asperge à Papineauville, la ferme de M. Poncelet fait partie de l’imaginaire collectif local, voire d’une identité et d’une fierté régionales. Pour que cet univers puisse perdurer, l’agriculteur commence à songer à former un « disciple inconditionnel artisan de l’asperge éco-poétique ». Avis aux intéressés. D’ici là, notre homme ne manque pas de projets. Entre la poésie et les nouvelles œuvres d’art, il a construit une petite cuisine en plein air pour alimenter le dialogue avec ses clients et honorer l’asperge en la cuisinant de mille et une façons. Il songe même à créer un centre d’interprétation de l’asperge. Et qui sait ce que cet agriculteur hors du commun mijote encore ?

Référence: Extrait de Prenez le champ!, publié aux Éditions de l’Homme, avril 2016, p.46-51. Le livre compte un total de 90 portraits de producteurs et artisans gourmands de neuf régions du Québec situées à proximité des centres urbains de Montréal et de Québec.

Ferme La Macédoine
502, route 323, Papineauville, J0V 1R0

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Julie Aubé