(2017, décembre). Un de mes grands plaisirs en voyage, c’est de marcher, marcher dans les villes ou les campagnes en me remplissant les yeux des paysages agricoles. À ce grand plaisir s’ajoute aussi celui de comprendre ce que je vois, d’interpréter le territoire agroalimentaire visité, de m’imprégner du lieu qui donne naissance, avec le coup de main de l’homme, aux saveurs typiques d’un territoire. Ainsi, une fois la promenade terminée, en plus de m’être ouvert l’appétit, je reviens avec une foule de sensations, d’odeurs, de couleurs, de paysages, bref de souvenirs dans mon baluchon de randonneuse gourmande. Précieux, ces souvenirs m’accompagnent longtemps, tant au moment de la dégustation post-randonnée que bien des années plus tard, quand je me replonge dans mes photos ou que je déguste le produit.

C’est ce genre de randonnée agroalimentaire que j’ai faite dans les vignes de Châteauneuf-du-Pape, dans le Vaucluse, en Provence. Topo d’une mémorable journée de plein air gourmand, que vous pourrez (facilement et gratuitement) mettre au programme lors de vos prochaines vacances en Provence!

Quelques arrêts pré-rando

Châteauneuf-du-Pape, c’est bien sûr un vin d’appellation d’origine contrôlée (AOC) dont la réputation n’est plus à faire. Mais c’est aussi un village au cœur duquel le bus me dépose. Premier arrêt : l’office de tourisme pour obtenir le tracé du sentier de 7 km au cœur du vignoble.

Ensuite, petit tour à la boulangerie de la porte d’à côté, pour acheter un sandwich bien frais, le pique-nique idéal à savourer en cours de route.

Comme troisième arrêt pré-randonnée, j’ai fait un saut au Musée du vin Brotte, à 5 minutes de marche de l’office de tourisme. L’accès est gratuit et la visite se fait avec un audioguide. On y apprend l’ABC du vignoble de Châteauneuf-du-Pape : de la géographie de la région aux critères spécifiques à l’AOC, en passant par les types de sols, les conditions gagnantes du microclimat et le travail humain de la vigne jusqu’à la vinification.

Avant d’attaquer le sentier, on découvre ainsi que Châteauneuf-du-Pape, c’est environ 3150 hectares de vignes en production, réparties sur cinq communes. On y autorise 13 cépages, bien que les plus communs soient le grenache, la syrah et le mourvèdre. L’appellation produit annuellement en moyenne 13 300 000 bouteilles, dont de 92 à 94 % sont des rouges. On apprend aussi que, pour souscrire à l’AOC, les vignerons doivent respecter la limite de rendement, fixée à 35 hectolitres/hectare ainsi qu’obligatoirement effectuer les vendanges à la main, tout comme le tri sélectif à la vendange.

Enfin, pour se donner du courage pour la randonnée, on vous proposera de goûter gratuitement quelques cuvées.

Marcher dans les vignes à Châteauneuf-du-Pape

Riche de ce tout nouveau bagage de connaissances sur le territoire que je m’apprête à arpenter, je n’ai plus qu’à marcher environ 5 minutes jusqu’au départ du sentier. Et c’est parti! On a le choix entre une petite (2,8 km), une moyenne (4,8 km) ou une longue boucle (7 km). Si vous avez le temps, optez pour la longue!

Vous croiserez sur votre chemin 15 panneaux informatifs qui consolident et complètent les notions acquises plus tôt au musée. Plutôt chouette comme classe, en pleine nature sous le soleil… et au gré du mistral! Ce vent froid du nord caractéristique de la Provence demande une bonne tuque (du moins en novembre!). Toutefois, comptant parmi les conditions gagnantes du microclimat, il joue un rôle important pour le terroir de Châteauneuf-du-Pape. Il assèche d’abord la vigne, ce qui aide à prévenir entre autres les maladies reliées aux moisissures, puis il chasse les nuages, permettant au vignoble d’être non seulement bien aéré, mais aussi exposé aux généreux rayons de soleil. Le raisin peut donc atteindre la parfaite maturité.

Les quatre types sols qu’on foule tour à tour au fil de la balade sont des témoins privilégiés de l’histoire du territoire. D’abord, les galets roulés montrent l’influence des glaciations et des redoux successifs durant lesquels le Rhône a arraché aux Alpes des galets lissés par ce dernier. Très pratiques, ils emmagasinent la chaleur le jour et la restituent à la vigne la nuit! Ensuite, on voit le sable fin, déposé lors du déplacement du fleuve. Viennent les terres blanches, un mélange de galets apportés par le Rhône et de cailloutis calcaires venus d’un massif. Puis suivent les grès rouges, issus d’une sédimentation marine. Avec ces sols caractéristiques, le mistral puis la proximité du Rhône, on obtient les conditions gagnantes pour produire les vins de Châteauneuf-du-Pape.

Côté paysages, à mesure qu’on s’éloigne du village, la première partie de la randonnée offre des points de vue spectaculaires sur Châteauneuf-du-Pape. On franchit ensuite une petite colline et de l’autre côté, le panorama s’ouvre sur le magnifique mont Ventoux et son sommet enneigé (du moins en novembre), haut de 1912 mètres. C’est dans cette partie, avec une vue imprenable sur le Ventoux, que j’ai fait ma pause pique-nique.

Quel plaisir de déambuler entre les parcelles de vignes en sachant sur quel type de sol on marche et quels cépages on voit! Par exemple, le territoire de Châteauneuf-du-Pape se distingue par la taille en « gobelet » (vigne non palissée, buissonnante) de ses principaux cépages (dont le grenache et mourvèdre). Combinée à la faible densité de plantation, ce type de taille donne un charme caractéristique au paysage. Certaines parcelles sont toutefois plantées non pas en gobelet, mais palissées (attachées) et sont généralement des vignes de syrah.

De gauche à droite sur le montage photo ci-dessus : les quatre principaux types de sol (Musée du vin), exemple de panneau du sentier viticole, vignes palissées, vignes buissonnantes.

Après la randonnée

Au retour de la randonnée, s’il vous reste un peu d’énergie, ne manquez pas de grimper jusqu’au château du village. On y admire encore le Ventoux, mais on aperçoit aussi le Rhône de même que le palais des papes d’Avignon au loin.

Après toute cette marche, vous aurez sans doute une petite soif! C’est l’heure de choisir une (ou quelques) cave et de procéder aux dégustations! Et là, ce n’est vraiment pas le choix qui manque!

J’ai effectué des dégustations à quelques endroits, mais c’est à la cave de la famille Mayard que je me suis laissée tenté par une bouteille issue d’une parcelle spécifique, appelée la Crau (cailloux en provençal), une parcelle parcourue par le sentier.

Je ne sais pas si on dégustera cette bouteille dans quelques mois ou quelques années, mais chose certaine, ce ne sera pas juste un bon vin. Ce sera la sensation des galets roulés sous mes pieds, le mistral sur mon visage, le souvenir du géant Ventoux à l’horizon. Ce sera l’orangé-ocre des vignes en novembre et le bleu vif du ciel. Je ne me rappellerai peut-être plus de tous les détails techniques, mais ce vin n’est plus qu’un simple vin. C’est maintenant le goût unique du moment où l’histoire d’un territoire a croisé la mienne.

À la vôtre!

P.S. : Ça coûte cher le tourisme viticole? Que nenni! Les activités de la journée que je viens de décrire sont complètement gratuites : tant l’accès au Musée du vin et la dégustation, la randonnée dans les vignes, la balade au château que la dégustation dans plusieurs caves. Après, libre à vous de faire des achats à votre guise et selon votre enthousiasme! De plus, ceux qui voyagent en transport en commun (sans location de voiture) pourront facilement se rendre à Châteauneuf-du-Pape en bus à partir d’Avignon, comme je l’ai fait, et ce, même en novembre, et faire le reste de la journée décrite à pieds.

Julie Aubé