(2018, juin). Hiver comme été, les couleurs des allées de fruits et légumes changent peu. C’est l’uniformité et la constance qui dictent la norme, tant dans l’offre que dans le format et l’esthétique des produits. Et cette «nouvelle» norme de variété et d’abondance à l’année, les consommateurs en sont venus à l’exiger. Peu importe l’endroit, peu importe la période de l’année. À force d’habitude, à force d’influence.

En ce début de belle saison des récoltes locales, je (re)lance la réflexion. Et si, collectivement, on transformait cette norme en se reconnectant à ce que nous offre notre territoire au fil des semaines et des mois?

Parce que manger des aliments locaux en saison, c’est…

1. Manger frais et goûter les vraies saveurs

La mondialisation a fait en sorte qu’on trouve de tout, en tout temps, peu importe l’endroit où l’on se trouve sur la planète. Le plaisir de voir arriver les aliments de saison s’est atténué pour plusieurs d’entre nous. Je dis plaisir, car c’en est bien un. Quoi de plus délicieux que de manger des aliments frais, récoltés à pleine maturité, au maximum de leurs saveurs? Pour moi, c’est ça manger local en saison. On a droit à une véritable explosion de goûts, incomparable avec ces fruits et légumes qu’on cueille un peu trop tôt pour éviter les meurtrissures durant le transport.

2. Poser un geste pour l’environnement

Quand on évoque ces aliments qui voyagent, on ne peut ignorer l’impact sur l’environnement les 2 500 à 5 000 kilomètres qu’ils parcourent pour atteindre nos supermarchés et nos assiettes [1]. Et on ne compte pas les emballages requis pour protéger ces aliments voyageurs…

Ces réflexions ne signifient pas rejeter tous les aliments importés! Certains ne sont pas près de pousser chez nous – je pense entre autres à quelques-unes des vedettes des petits déjeuners (fruits exotiques, café, thé, beurre d’arachide…). Manger local, pour moi, c’est plutôt privilégier les aliments de proximité lorsque ceux-ci sont élevés, produits ou cultivés à proximité. Et quand on s’y attarde, on est vite surpris de la variété qui s’offre à nous.

3. Célébrer la variété

Dans son livre Animal, Vegetable, Miracle [2], Barbara Kingsolver raconte son aventure familiale à manger uniquement en saison pendant toute une année. Voici une de ses inspirantes réflexions, que je seconde! :

« Lorsque vous portez attention aux aliments frais dans les étals des marchés fermiers, les options sont claires. Vous ne vous ennuyez pas de ce qui ne s’y trouve pas. (…) À mesure que les saisons défilent, fruits et légumes vont et viennent, et conséquemment comme consommateur, on adopte une mentalité nous poussant à nous en procurer tant qu’il y en a. »

Manger en saison n’a donc rien de contraignant quand on s’approvisionne chez les producteurs ou dans les marchés fermiers. Loin de nous l’impression de « se priver », au contraire! C’est plutôt l’impression de manquer de repas dans une semaine pour savourer tous les produits frais qui nous font saliver qui nous surprend.

4. Vivre plein de moments excitants!

Quand on mange local, les saisons d’abondance de chaque produit deviennent toutes plus excitantes les unes que les autres. On a hâte au début, on l’attend. Puis on en profite, pleinement, parce qu’on sait qu’il y a une fin. Je suis convaincue qu’on savoure chaque produit de saison avec une intensité exacerbée par l’impermanence de cette saveur, fraîche et optimale, qu’on a là, dans notre assiette, à un moment précis de l’année.

D’ailleurs, au cours des derniers mois, j’ai redéfini la catégorisation des recettes offertes sur mon site. Elles correspondent maintenant davantage à ma philosophie alimentaire. Bye-bye la classification « entrée, plat, dessert, boissons… »! Bonjour les recettes classées par saison!

5. Encourager les producteurs d’ici

Aller au marché, parcourir les routes du Québec pour se rendre directement à la ferme ou encore s’abonner à un panier bio, les chemins sont nombreux pour soutenir les producteurs d’ici.

Certes, emprunter ces chemins peut sembler demander un peu plus d’efforts que d’aller simplement au supermarché. Mais le jeu en vaut la chandelle. Acheter en circuit court nous donne l’occasion de réduire les intermédiaires entre les producteurs et les consommateurs et de favoriser un meilleur prix, juste et équitable pour tous. C’est aussi aller à la rencontre de ceux qui nous cultivent et préparent de savoureux aliments avec savoir-faire et passion pour apprendre d’eux et mieux comprendre tout le travail qui se cache derrière leurs délices.

Or, un sondage mené dans le cadre du Sommet de l’alimentation 2017 relève que moins du tiers des Québécois indiquent « acheter, au moins une fois toutes les deux semaines, des aliments dans un kiosque à la ferme, dans un marché public, via un panier ou l’agriculture soutenue par la communauté [3] ». En examinant ces chiffres, je me plais à imaginer l’impact sur notre santé, notre économie, notre environnement, notre vitalité et notre résilience collectives, si un nombre croissant de consommateurs se procuraient juste un peu plus souvent des aliments d’ici et de saison, en circuits courts.

6. Se divertir entre amis ou en famille

Manger selon ce que nous offrent les saisons n’a rien de monotone. Tout au long de l’été et de l’automne se succède un arc-en-ciel de fruits et de légumes dont il est possible de faire la cueillette en famille ou entre amis : fraises, framboises, bleuets, cassis, mûres, tomates, pommes, citrouilles, courges, etc. Il ne tient qu’à nous de transformer les courses en activité en allant les cueillir dans les champs. Informez-vous auprès des associations de producteurs ou des bureaux touristiques sur les options dans votre région ou aux endroits que vous visiterez cet été, et posez des questions aux agriculteurs rencontrés lors de vos visites au marché public. Je connais aussi un bon livre qui comporte plusieurs suggestions 😉

Pas suffisamment de temps pour aller gambader dans les champs? On se rabat sur les marchés! Plus que de simples comptoirs d’approvisionnement, les marchés publics et fermiers sont aussi des lieux de rencontres et d’échanges avec celles et ceux qui produisent avec passion, fierté et savoir-faire nos aliments. Quoi de mieux que de profiter de ces endroits festifs pour approfondir sa culture agroalimentaire!

7. Recevoir une invitation à la (re)découverte

Quand on pense à manger local, une des premières questions qui surgit, c’est : « Mais comment fait-on l’hiver? ». Ici aussi, les possibilités sont nombreuses. Pour ma part, je mise sur l’abondance de légumes racines locaux, variés et colorés que je retrouve dans mon panier bio d’hiver. Je prépare aussi des germinations et des pousses pour une touche de vert. Enfin, je fais honneur aux produits locaux congelés, fermentés, cuisinés et mis en pots! Manger local et varié l’hiver, c’est tout à fait possible, mais on doit le prévoir un brin (on s’en reparle plus tard cet été ;).

8. Renouer avec un savoir-faire culinaire

Des recettes de confitures pour certains fruits, des techniques de mise en conserve et de marinage pour certains légumes, des séances de séchage pour les fines herbes fraîchement récoltées, de la congélation des petits fruits autocueillis, les possibilités de conservation sont nombreuses. Une des meilleures façons, c’est de poser des questions aux producteurs. Ils sont souvent les mieux placés pour partager des recettes éprouvées ou encore transmettre des techniques de conservation.

Oui, tout ceci exige des efforts et s’avère salissant! Mais les résultats n’en sont pas moins savoureux et satisfaisants. On en fait des occasions festives, familiales ou amicales. En groupe, on peut en faire un peu plus, avec un peu moins d’efforts. Et puis pensez au plaisir que vous aurez, en janvier, à savourer vos bleuets décongelés, trempés dans le chocolat, ou encore vos pâtes à la sauce tomate. Souvenirs de moments heureux garantis!

9. Voter avec sa fourchette

En tant que consommateur, chacun d’entre nous possède un immense pouvoir à l’égard du système agroalimentaire. Alors, pour que se mette en place le système que l’on souhaite, un système juste, équitable, savoureux et respectueux du vivant et de l’environnement, il n’en tient qu’à nous, à prendre les habitudes, petit à petit, pour l’encourager et le soutenir, au marché ou chez le fermier!

Manger des aliments en saison, frais, de qualité, de proximité, à un prix juste et équitable pour tous n’aura jamais été si savoureux.

Bonne saison!

***

Photo en tête d’article : Marie des Neiges Magnan

Références:

[1] Bernard Lavallée. (2015.) Sauver la planète une bouchée à la fois. Montréal: Éditions La Presse. Laure Waridel. (2011). L’envers de l’assiette et quelques idées pour la remettre à l’endroit. Montréal: Éditions Écosociété.

[2] NDLR : traduction libre de « When you peruse the farmer’s market for fresh produce, the options are clear. You don’t miss what’s not there. (…) As the seasons change, different fruits and vegetables come and go, so as a shopper you learn a get-it-while-you-can mentality. »

[3] MAPAQ. (2017). Le bottin consommation et distribution alimentaires en chiffres. https://www.mapaq.gouv.qc.ca/fr/Publications/Bottin_consommation_distribution.pdf  (12 avril 2018)

Julie Aubé