(2018, mars) Cette année, le Mois de la nutrition donne la vedette au « pouvoir des aliments » : celui de nourrir, de prévenir, de guérir, de faire découvrir, de rassembler. Mais en plus des aliments, il y a un autre superhéros potentiel, au pouvoir immense : le consommateur!

À l’ère de la mondialisation et de l’urbanisation, nous sommes plus que jamais déconnectés des modes de production des aliments (et de leurs conséquences). Outre l’éloignement physique entre consommateurs et producteurs, la disparition des saisons du menu de bien des Québécois contribue aussi à expliquer le phénomène : on peut manger de tout, en tout temps, sans égard à la provenance des aliments ni aux saisons. On s’étonne peu que moins du tiers des aliments consommés par la population proviennent du Québec [1]. En outre, selon un sondage mené en 2017 [2], moins du tiers des consommateurs ont dit « avoir visité une ferme ou un bateau de pêche commerciale au cours des cinq dernières années ».

Malgré cette apparente déconnexion, les consommateurs sont de plus en plus nombreux à désirer une plus grande transparence dans le système agroalimentaire. Un sondage mené en 2016 par Léger, auprès de 1 000 Québécois de 18 ans et plus responsables des achats alimentaires dans leur foyer, indique que les deux tiers des répondants sont préoccupés par 1) « l’obtention d’une information claire et exacte sur les aliments ainsi que sur la façon dont ils sont produits », 2) « l’accès à des aliments frais et nutritifs à proximité de leur lieu de résidence », et 3) « les résidus de pesticides et d’antibiotiques dans les aliments » [3]. C’est dire que l’intérêt pour l’achat local de produits de qualité est là. Au Québec, près de 68 % des consommateurs ont d’ailleurs favorisé l’achat de produits cultivés localement en 2017 [4].

En outre, bien que ce soit dans une moindre mesure, le « bien-être des animaux d’élevage » (58 %), « l’effet des pratiques des entreprises agricoles et agroalimentaires sur l’environnement et les changements climatiques » (57 %), la « présence d’OGM dans les aliments » (60 %), « l’effet des pratiques des pêches sur le maintien et le renouvellement des stocks de poisson » (56%) ainsi que la « santé, sécurité et conditions de travail des employés et des exploitants des entreprises agricoles et agroalimentaires » (56 %) figurent également parmi les préoccupations soulevées. C’est aussi dire que le respect du vivant importe aux consommateurs québécois.

Animés donc par un désir de respect, de durabilité et d’une plus grande transparence, de plus en plus nombreux sont les consommateurs qui souhaitent (re)tisser des liens avec les agriculteurs et artisans gourmands qui produisent et transforment les aliments en adéquation avec leurs valeurs. Et la bonne nouvelle est qu’il y a plusieurs façon de s’y prendre pour utiliser son « pouvoir » de consommateur! Qu’est-ce qu’on peut faire pour choisir de la façon la plus éclairée possible au quotidien et ainsi supporter les autres héros qui cultivent, élèvent et fabriquent nos aliments? Voici des pistes!

  • Choisir des produits de saison : on consulte le calendrier des récoltes pour connaître les aliments disponibles selon les saisons. Il y en a beaucoup, même l’hiver! Je vous invite aussi à cliquer sur la section Recettes de mon site, vous y trouverez un classement selon les saisons.
  • S’approvisionner en circuits courts : on visite les marchés fermiers et publics de sa région, on adopte un fermier de famille grâce à l’agriculture soutenue par la communauté (paniers bio) ou on passe directement chez les producteurs. Ainsi, autant le producteur que le consommateur bénéficieront d’un prix juste et équitable grâce à l’élimination des intermédiaires.
  • Encourager des agriculteurs respectueux du vivant et des écosystèmes : en favorisant les producteurs, les éleveurs et les pêcheurs d’ici, déjà on fait un grand pas en réduisant le kilométrage parcouru par nos aliments. Pour faire quelques pas de plus, on peut opter pour ceux qui travaillent en accord avec nos valeurs agroalimentaires, par exemple, l’utilisation de pesticides ou de semences OGM, le bien-être animal, la durabilité des ressources, les conditions de travail, etc.
  • Cultiver ou produire soi-même ses aliments (quelques-uns à tout le moins) : des fines herbes en bordure de fenêtre au potager en terre, les possibilités sont multiples. Il suffit de s’informer un peu, d’y aller selon ses ressources (en termes d’espaces et de temps), de se faire confiance et de se lancer – vous pourriez être surpris des découvertes qui vous attendent.
  • Aller à la rencontre des agriculteurs et artisans gourmands : pour connaître des gens passionnés, approfondir sa culture agroalimentaire, découvrir des saveurs extraordinaires, faire le plein de produits fermiers qui correspondent à nos valeurs et se délier les jambes au cœur de paysages magnifiques, quoi de mieux que de prendre le champ! Non seulement on redécouvre le vrai goût des aliments, mais on devient des mangeurs plus conscientisés… et plus consciencieux. En bonus, plaisir garanti, pour petits et grands! Faites le plein d’inspiration pour vos visites ici même sur le site ou dans les portraits présentés dans mon livre!
  • Cuisiner davantage à partir d’ingrédients de base : se réapproprier sa cuisine pour y préparer soi-même ses repas, c’est la première étape pour se reconnecter à une saine alimentation. Alors, imaginez un peu ce qui arrive quand on cuisine des aliments auxquels on a associé des histoires, des visages et des paysages : on leur confère une telle valeur que la dégustation, plus lente et consciente, prend tout son sens… tellement qu’on développe souvent même une allergie au gaspillage!

Enfin, vous pouvez aussi vous laisser inspirer par d’autres idées de petits pas agroalimentaires

Toutes ces idées permettent de nourrir sa santé et son bien-être individuel, mais en prime de cultiver aussi un environnement sain, un territoire vivant, une économie locale florissante, bref une collectivité en pleine forme! Tout un pouvoir infini comme consommateur, pas vrai?

Célébrer le « pouvoir des aliments » c’est bien. Souligner, du même coup, le pouvoir de ceux qui choisissent et savourent ces aliments, c’est encore mieux!

Bonnes découvertes et bon Mois de la nutrition à tous les superhéros gourmands!

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Photo: Eddie Kopp

[1] https://equiterre.org/fiche/kilometrage-alimentaire

[2] Roy, Caroline. (26 mai 2017). Préoccupations et perceptions des Québécois envers le secteur agricole et des pêches commerciales – Présentation des résultats d’un sondage Web. Sommet de l’alimentation du MAPAQ.

[3] Roy, Caroline. (21 octobre 2016). Demandes et attentes des consommateurs québécois – Présentation des résultats d’un sondage Web. Sommet de l’alimentation du MAPAQ.

[4] Fabien Durif et Caroline Boivin. Baromètre de la consommation responsable au Québec – Édition 2017. Observatoire de la consommation responsable. ESG. UQAM.

Julie Aubé