(2019, juillet). Au fil des années à parcourir les campagnes du Québec de long en large, l’envie d’avoir un petit coin de territoire a germé et grandi chez moi aussi. Après des années « d’œil ouvert » et de magasinage, la perle rare a croisé notre chemin l’été dernier. Comme nous avons eu les clés en hiver, c’est le début du premier été, les deux pieds dans MON micro-champ.
Après des années de bacs à fines herbes sur balcon, de jardinage dans des lieux empruntés et de cueillettes dans les champs des autres (ce que je compte tout de même bien continuer de faire), j’ai détourbé avec émotion mon premier potager, potager que je pourrai cultiver plus d’une année consécutive. Au-delà de ce que j’y plante « volontairement », je découvre tout ce qui pousse autour, sans moi, naturellement. Si je cuisine déjà certaines saveurs sauvages (comme le mélilot que j’utilise pour y remplacer la vanille, comme dans ce gâteau, ou le cèdre dans ces biscuits), je suis plus que consciente que mes connaissances ne sont qu’une micro-fraction de tout ce qu’il y a à savoir, découvrir, apprendre. Il n’y a qu’à faire une promenade dans mon micro-champ pour réaliser que pour une espèce comestible que je reconnais, je suis probablement en train de marcher sur une belle salade d’autres verdures sauvages que je ne connais pas encore!
Dans ce contexte, quel timing parfait que la publication du livre FORÊT : Identifier, cueillir, cuisiner de Gérald Le Gal et d’Ariane Paré-Le Gal (Éditions Cardinal)! Si vous me suivez sur Instagram, vous aurez déjà compris mon enthousiasme pour ce livre qui tombe pile dans mon désir d’apprivoiser mon p’tit coin de territoire.
J’avais déjà assisté à une célébration printanière sur l’érable animée par Gérald Le Gal. Je l’avais également déjà interviewé pour un article sur le sirop de bouleau pour Exquis et sur la cueillette éthique pour Caribou. Je connais sa nièce, Geneviève LeGal-Leblanc, de Ferme et Forêt, en Outaouais, qui fait partie des producteurs présentés dans mon livre Prenez le champ!. Je ne connais pas encore Ariane. Mais à la lecture de l’introduction de FORÊT, force est de constater qu’il y a de bonnes chances qu’on s’entende bien! 😉
Entre champ ou forêt, le plaidoyer pour la reconnexion est le même. Ce livre et moi, on est fait pour s’entendre.
Apprentie cueilleuse
Depuis, j’ai récolté de la petite oseille et du chou gras. J’ai fleuri mes salades, mes brunchs et mes desserts de lilas, de violettes, de fleurs d’aubépines et de pétales de roses sauvages. J’ai découvert le gaillet, une herbe que je ne connaissais pas et qui pousse abondamment autour de chez moi. J’ai récolté des pousses d’épinettes et du pissenlit plus tôt au printemps. J’ai aussi récolté mes premiers boutons de marguerite, en plus d’en savourer feuilles et pétales. Et ce n’est qu’un début! Bientôt, les premières amélanches, entre autres, seront prêtes. Je ne compte pas m’arrêter de « poser ce geste si fort de cueillir à la main pour porter à sa bouche des aliments frais, sains, locaux, nutritifs et remplis de sens », comme l’écrit si bien en introduction Ariane Paré-Le Gal.
Et je ne suis qu’à la pointe de l’iceberg des découvertes. Pour le moment, je n’ai cueilli et cuisiné que les végétaux dont j’étais sûre à 150 % de mon identification. Au fil des pages du livre, je découvre différents végétaux que je dois d’abord apprendre à identifier hors de tout doute. Tout un savoir à développer, petit à petit. Je me sens parfois « dans le jus » avec la saison qui file plus vite que j’ai le temps d’apprendre et de cueillir. Mais une fois dehors avec mon petit panier, le temps ralentit sa course. Les secondes semblent battre plus lentement quand on scrute, sent, touche à la nature. Ça m’aide à changer de rythme, ne serait-ce que le temps de remplir un petit pot de quelque chose, une feuille ou un pétale à la fois. Apprivoiser le temps, ça fait partie du plaisir… et des apprentissages, j’en suis pas mal sûre.
Côté cuisine, je m’inspire pour l’instant davantage des techniques proposées dans FORÊT que des recettes, mais plusieurs me font de l’œil. J’en essaierai certaines telles quelles, d’autres en remplaçant le vinaigre de riz ou le citron par un vinaigre de cidre ou un verjus local, l’huile d’olive par une huile de tournesol ou de cameline, le gruyère par un fromage vieilli ici. (Je n’ai rien contre les saveurs d’ailleurs par-ci par-là, mais j’ai tant de plaisir à « locavoriser » que je le fais presque sans y penser). J’ai toutefois un enjeu avec les sirops : comme je ne me fais pas à l’idée de récolter avec tant de soin des fleurs de saison comme la rose ou le lilas, puis de les mélanger à une quantité importante de sucre blanc anonyme, j’ai essayé le sucre d’érable, mais il tend à masquer le goût délicat des fleurs. Autres tests à venir… au fil des saisons et avec le temps!
FORÊT m’arrive en mains (littéralement, ayant reçu un exemplaire de presse) à un moment parfait d’exploration de mon nouveau terrain de jeu. Je me prends les pieds dans l’une ou l’autre de ses pages, avec intérêt et gratitude. Qu’on ait un petit territoire à (re)découvrir chez soi ou autour, chez des parents ou amis, dans des forêts et boisés qu’on parcoure, mieux savoir interpréter la nature, que ce soit en territoire sauvage ou cultivé, c’est mieux la connaître, mieux l’apprécier et au final, voir grandir son émerveillement, sa reconnaissance et sa volonté de la protéger… et de la savourer, encore et encore.
Bonne lecture, bonnes cueillettes et bon appétit!